A
Georges, notre ami !
Voilà,
Georges, tu as semble-t-il quitté le monde des vivants.
Bien sûr, ce n'est qu'une apparence de réalité
tant tu restes et resteras présent en nous. Bien sûr
aussi, je pourrais louer le scientifique talentueux et passionné,
tout entier au service de la découverte et de la connaissance,
au verbe clair et précis. Je pourrais aussi évoquer
l'ami, celui qui savait si bien réconforter, d'un mot,
d'un regard.
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Mais,
c'est de la vie intérieure dont je souhaiterais parler et
que je souhaiterais illustrer par quelques phrases écrites
par un autre magicien du verbe (Saint-John Perse).
"Certes,
une histoire qu'on veuille entendre, dans l'insouciance encore
de la mort,
Et telle et telle, en sa fraicheur, au coeur de l'homme,
Qu'elle nous soit faveur nouvelle et comme une brise d'estuaire
en vue des lampes de la terre,
Et
de ceux-là qui l'entendront, assis sous le grand arbre
du chagrin,
Il en est peu qui ne se lèvent, qui ne se lèvent
avec nous et n'aillent souriant,
Dans les fougères de l'enfance et le déroulement
des crosses de la mort".
Cette
histoire là, tu l'as mille fois contée. Tes écrits,
tes travaux, tes enseignements sont autant d'odes à la
vie. Une vie riche et généreuse dans laquelle tu
as toujours donné le meilleur de toi-même, sans jamais
compter.
Mais
derrière tout ceci, il y avait avant tout l'homme libre
; celui qui refusait les dogmes et les prisons des certitudes,
toujours prêt à défendre les causes justes,
toujours d'une parfaite droiture. L'homme prodigue aussi ; aussi
exigeant pour lui-même qu'il fut généreux
pour ses amis. L'homme de raison encore, le scientifique rigoureux
et qui misait tout sur l'humanité. Georges fut tout ceci...
et bien plus encore, tant les facettes de ses talents étaient
multiples. Tant aussi il illustrait la phrase "science sans
conscience n'est que ruine de l'âme". De l'aurore au
crépuscule de sa bien trop brève vie, sa trajectoire
fut celle d'une étoile filante. Trop vite consumée
pour avoir trop donné, pour avoir trop espéré,
pour avoir trop aimé.
Puis
vint le temps de la maladie. La maladie que tu tournais parfois
en dérision, mais contre laquelle tu t'es battu avec le
même courage, la même détermination que tu
mettais en toutes choses. Le 18 juin, le soleil brillait et celle-ci
semblait avoir gagné la partie. Et pourtant, ce n'était
qu'une illusion car ce seront les mêmes hommes que tu as
formé qui perpétueront ton souvenir et ton oeuvre.
Pour toi, la mort ne saurait être une fin. Elle n'est qu'un
début. "Un astre a rompu sa chaîne aux étables
du Ciel et l'étoile chemine dans les hauteurs du Siècle".
Alors,
il nous faut un peu plus de courage et de sérénité
et je reviens au même magicien. "Des villes hautes
s'éclairaient sur tout leur front de mer, et par de grands
ouvrages de pierre se baignaient dans les sels d'or du large".
Oui, cette phrase pour résumer le rayonnement, la puissance
et la profondeur de ton oeuvre. Ce front immense, ces yeux rieurs
et bienvaillants. Comme une brise de terre. "Une plume
blanche sur l'eau noire, une plume blanche vers la gloire".
Oui cette phrase pour résumer notre espoir.
"La
brise mène au bleu du large ses couleuvres d'eau verte.
Et le pilote lit sa route entre les grandes tâches de nuit
mauve". Le pilote, c'est toi. Pour ta famille, pour nous,
pour toujours... Tout simplement.
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