Ils ont édifié ou marqué la recherche du numérique au sein de l’IRISA, dès 1975
A nos jours, Michel MÉTIVIER et Jacques LENFANT inspirent, chacun dans leur domaine scientifique, les futurs chercheur.e.s du numérique de demain.
Michel Métivier (1931-1988) Un probabiliste appliqué
À la fois chercheur et pédagogue, Michel MÉTIVIER est devenu un mathématicien de premier ordre, toujours attaché à renforcer les liens entre les probabilités, son domaine de prédilection, et les sciences expérimentales.
C'est à la faculté des sciences de Rennes que Michel Métivier effectue l'intégralité de ses études supérieures et soutient sa thèse de doctorat sur les martingales (1) en 1963 avant d'y prendre les fonctions de professeur en 1965. Il s'investit alors activement dans l'organisation des études et devient, en 1969, directeur de l'Unité d'enseignement et de recherche de mathématiques et informatique de 1969. Il reste à ce poste jusqu'en 1971.
De la création de l'IRISA...
Très tôt, Michel Métivier perçoit l'intérêt de la recherche en informatique associée aux probabilités. Soucieux de faire progresser aussi bien la recherche que l'enseignement, il concrétise ses conceptions avec la mise en place de l'Institut de recherche en informatique et systèmes aléatoires (IRISA) de Rennes, dont il est le premier directeur en 1975.
...à Polytechnique
Dès 1976, il est nommé professeur à l'Ecole Polytechnique à Paris. Là encore, il joue un rôle essentiel dans la réforme des enseignements et s'engage ' dans toutes les grandes actions menées à Polytechnique [...] avec une infatigable générosité ' selon son collègue physicien, Jean-Louis Basdevant. Il accède à la présidence du Département de mathématiques appliquées et fait aussi partie du Conseil d'administration de l'école où son influence lui permet d'œuvrer pour la pluridisciplinarité.
Il instaure ainsi un séminaire hebdomadaire au cours duquel interviennent des chercheurs d'autres disciplines : physiciens, chimistes ou biologistes. Son but est de confronter ses propres résultats aux problèmes posés par les autres sciences afin de vérifier comment la théorie des probabilités peut aider à comprendre des phénomènes décrits par les sciences expérimentales.
L'un de ses anciens étudiants, Jean Mémin, précise à son sujet :
À partir de la fin des années 70, de nombreuses recherches en probabilités se développent en collaboration avec différents domaines des mathématiques ou avec d'autres disciplines, avec un objectif de modélisation des phénomènes naturels.
Un probabiliste mondialement reconnu
Ainsi, les recherches de Michel Métivier se portent sur de nombreux domaines des probabilités et contribuent à développer le calcul stochastique (cf. ci-dessous). Il travaille évidemment à l'application de ses résultats, notamment en physique et en chimie. En 1987, pourtant atteint d'un cancer, il organise le colloque Paul Lévy(2) qui remporte un vif succès. Frappé en pleine activité, il disparaît un an plus tard à l'âge de 57 ans. De l'avis général, il reste l'un des probabilistes français qui a le plus participé au rayonnement scientifique du pays, assurant de nombreux cours dans des universités étrangères.
M. Métivier et le calcul stochastique
Michel Métivier, en tant que chercheur, s'est spécialisé dans les 'processus stochastiques', termes par lesquels les probabilistes désignent tout phénomène qui dépend du hasard et évolue au cours du temps. Le changement de la température extérieure, le cours d'une action en bourse ou le mouvement des électrons autour du noyau de l'atome sont autant d'exemples de phénomènes pour lesquels on ne dispose pas d'informations certaines mais uniquement de probabilités. Michel Métivier a particulièrement étudié les intégrales stochastiques ('Stochastic Integration', avec Jean Pellaumail, Academic Press, 1980) : elles permettent de modéliser de nombreux phénomènes aléatoires naturels.
Sources : article Espace des Sciences
(1) "Martingales à valeurs vectorielles. Applications à la dérivation des mesures vectorielles" M. Métivier. Document numérisé par Numdam
(2) Colloque organisé par M. Metivier, J. Neveu et S.R.S. Varadhan, à l'occasion du centième anniversaire de la naissance de Paul Lévy.
À lire :
[FR] Algorithmes adaptatifs et approximations stochastiques: théorie et applications à l'identification, au traitement du signal et à la reconnaissance des formes. Albert Benveniste, Michel Métivier, Pierre Priouret. Masson, Techniques stochastiques, 1987.
[EN] Adaptive algorithms and stochastic approximations. Albert Benveniste, Michel Métivier, Pierre Priouret. Springer Verlag, Applications of Mathematics, vol. 22, Berlin, Heidelberg, New York, 1990. Online: http://link.springer.com/book/10.1007/978-3-642-75894-2
Jacques Lenfant (1947-2015) Portrait d’un précurseur intuitif
39 années au service de la recherche et de l’enseignement en informatique
Cinquième président de l’Université de Rennes 1 entre 1994 et 1999, Jacques Lenfant fut l'un des premiers promoteurs de l’enseignement et de la recherche en informatique, notamment à Rennes.
Entré à l’université en 1970, professeur à l’ISTIC (anciennement Ifsic), Jacques Lenfant fut enseignant-chercheur à l’IRISA, institut dont il assura la direction en intérim pendant près de deux ans (1976-78).
Normalien agrégé en mathématiques, Jacques Lenfant a soutenu en 1974 sa thèse sur les Modèles probabilistes de gestion des mémoires hiérarchisées à l’Université de Rennes 1. Il partit ensuite dix mois à l'Université du Michigan et en revint avec de nombreuses idées de développement de recherches autour du calcul parallèle, domaine encore peu exploré en France, ce qui fera de lui un spécialiste reconnu dans le monde la recherche mais également de l'industrie.
Expert en conception de processeurs à très grande vitesse, il a aussi été le fondateur du groupe calculateurs parallèles de l'IRISA, en 1976, et sera dans les années 1980 parmi les pionniers du projet national "Grand calculateur scientifique" qui a visé à créer, en France, une industrie de super-ordinateurs. Il a également été conseiller scientifique à Sintra-Alcatel puis à Thomson-CSF.
En parallèle de ses recherches dans le domaine du calcul parallèle et de ses applications (électronique, aéronautique, etc.), Jacques Lenfant fut également très impliqué dans l’enseignement, du 1er au 3e cycle. Il fut le promoteur et le responsable de plusieurs formations de l’Université de Rennes 1, et fut le créateur de plusieurs diplômes supérieurs en informatique dont celui d’ingénieur en informatique et communication (DIIC) dont a émergé l’ESIR.
Jacques Lenfant fut élu président de l'Université de Rennes 1 le 18 février 1994, après avoir été vice-président du conseil scientifique durant cinq ans, contribuant très largement à insuffler à l’établissement une ouverture et un dynamisme dont il porte encore aujourd’hui les fruits.
Depuis la fin de son mandat en mars 1999, Jacques Lenfant œuvrait principalement à la diffusion de la culture et de l'enseignement scientifique. Premier Breton à être élu membre de l’Académie des technologies, il mit un terme à sa carrière en 2009 après trois années passées à la direction du centre d’initiation à l’enseignement supérieur du Grand Ouest.
Domaines de recherches : Modélisation et évaluation des performances des systèmes informatiques, Conception de supercalculateurs, Mémoires parallèles et réseaux d'interconnexion.
Collaborations industrielles : Projet de supercalculateur Marie ; Participation au projet Marisis.